Nicolas Anelka : Son interview explosive

Publié le 5 Août 2010

June 19, 2010 - Paris, FRANCE - epa02211364 A photograph taken on 19 June 2010 of the front page of French sports daily L'Equipe shows French national soccer team player Nicolas Anelka (L) and French head coach Raymond Domenech (R) under an insulting phrase attributed to the player. According to the French Sports newspaper Anelka insulted Domenech at half time in the locker room during the match played by the team against Mexico in South Africa on 17 June 2010. Domenech, who had demanded Anelka a tactical repositioning for the second half, decided to replace the player by teammate Andre-Pierre Gignac. The match ended 0-2, and France sees its qualifying possibilities diminished.

 

Nicolas Anelka exclu du Mondial en Afrique du Sud, sort enfin de son silence et vide son sac pour le journal France soir.

 

Il revient sur son clash avec l'ancien sélectionneur de l'équipe de France Raymond Domenech et  ne cache pas sa rancoeur. Nicolas Anelka revient également sur la Une de L'équipe qui publiait les insultes du joueur à l'encontre de son sélectionneur.

 

France-Soir. Que s’est-il passé le 16 juin dernier, dans le vestiaire de Polokwane, à la mi-temps de France-Mexique ?

Nicolas Anelka. Tout le monde veut le savoir. Je vais décevoir beaucoup de gens qui se sont fait des fictions à la Hitchcock ! A dire vrai, il ne s’est rien passé de passionnant. On rentre donc dans le vestiaire. Pendant cinq minutes, on échange entre joueurs. Le coach arrive et me dit : « Putain, Nico, je t’ai déjà dit d’arrêter de décrocher et de rester devant. » Je lui réponds que rester devant, je ne fais que ça, que je ne je touche pas un ballon. Et j’ajoute : « C’est bon, il faut arrêter de me dire de rester devant. Je ne reste plus devant. » Il continue, me répond de son côté et moi du mien.

F.-S. Et alors ?
N. A. 
A ce moment-là, ma tête est partie. Je n’écoute même plus ce qu’il me dit. Il a réussi à me faire sortir l’esprit du match. Et c’est à cet instant qu’il me lâche : « Allez, c’est bon, tu sors. » Il parle à l’un de ses adjoints, du moins je crois, et lui demande d’appeler Dédé (Gignac) afin qu’il rentre. « Pas de problème, fais ton équipe », dis-je. Et je marmonne dans mon coin des choses qui resteront dans le secret du vestiaire. Et qui auraient dû le rester. Mais en aucun cas ce ne sont les mots que j’ai pu lire dans L’Equipe. C’est une évidence. Et il y a au moins quinze témoins.

F.-S. Avez-vous marmonné ainsi car il vous faisait des reproches sur votre positionnement ?
N. A.
 Je n’ai pas réagi comme ça parce qu’il m’a dit de rester devant. Je lui ai ouvert la porte de chez moi avant la liste des 23, il m’a demandé comment je voulais jouer. Je lui ai répondu : « Libre ». « Le problème, c’est que tout le monde veut jouer libre dans cette équipe », a-t-il ajouté. J’ai argumenté que je pouvais jouer en pointe mais que si c’est pour toucher trois ballons dans le match, là on va avoir des problèmes. Au mois de mars, après notre défaite contre l’Espagne au Stade de France, j’ai donné une interview à Christian Karembeu (diffusée sur Orange Sport ; il assurait notamment : « C’était une D1 contre une D4, des pros contre des amateurs. Il faut qu’on fasse quelque chose avant que la Coupe du monde commence, sinon on va partir au bout de trois matches »). Le coach a alors appelé mon manager (Doug Pingisi). Qui, pendant leur heure de conversation, lui a bien fait comprendre à quel poste je voulais jouer. Donc, quand le coach, dans le vestiaire, contre le Mexique, me dit de rester devant, c’est monté direct au cerveau. Je me suis dit qu’il le faisait exprès, qu’il cherchait un mec pour prendre les coups à sa place. Et voilà…

F.-S. Qui est intervenu dans le vestiaire ?
N. A.
 Pat (Evra) et Franck (Ribéry), car ils étaient à côté de moi. Ils m’ont dit : « Arrête Nico, calme-toi. Laisse tomber, tais-toi ! » Puis Pat m’a demandé de remettre mon maillot et a expliqué au coach que les disputes entre entraîneur et joueur à la mi-temps d’un match se produisaient tout le temps, qu’il ne fallait pas réagir sur un coup de tête et me faire sortir. Encore une fois le coach n’a écouté que lui et a fait son changement.

F.-S. Qu’avez-vous pensé de la fameuse couverture de L’Equipe ?
N. A. 
Ce que j’ai pensé du titre… Il est non seulement diffamant mais également « assassin ». En faisant ça, le journal a détruit les chances de la France et, plus accessoirement, a cherché à me nuire. Ce titre a détruit l’équipe de l’intérieur. Il a créé une guerre entre le coach et les joueurs, puis entre les joueurs et la Fédération. Cet acte est scandaleux. Ce journal et ces prétendus journalistes écrivent n’importe quoi et le mettent en gros, pour vendre plus de journaux. Ils sont les premiers et principaux responsables de tout ce qu’il s’est passé. Parce que tout est arrivé après ce titre. Il est inadmissible de mettre un titre comme ça en une, avec un photomontage me montrant le poing fermé. Et dire que des enfants ont pu lire ça. Le pire, c’est que tout est faux. Pour quelques exemplaires de plus à vendre, ils sont prêts à détruire, à diviser et à déchirer toute une nation. Si les joueurs sont à punir, la plus grosse sanction devrait être infligée à ce journal car ceux-ci n’auraient jamais réagi de cette façon sans cette parution. Je souhaite que la justice aille au bout dans ce dossier.

F.-S. Connaissez-vous l’identité de la taupe ?
N. A. 
La taupe, à la rigueur, je m’en moque. Ça peut être n’importe qui. Mais le quotidien L’Equipe assure qu’il va utiliser ses témoins lors de ma plainte. J’ai hâte de voir ça, de connaître l’identité du témoin, qui sera par la même occasion le traître du groupe, celui qui a donné les fausses informations à la presse, celui qui est à l’origine de mon renvoi et de tout ce scandale.


F.-S. Votre exclusion du Mondial est devenue une affaire d’Etat. Même Nicolas Sarkozy est intervenu. Qu’en avez-vous pensé ?
N. A. 
Quand le président de la République a dit que si un joueur avait tenu des propos comme ça à l’encontre de son sélectionneur, il méritait d’être exclu, je lui réponds qu’il a tout à fait raison. Mais je ne me sens pas concerné puisque ces mots-là ne sont pas sortis de ma bouche.

F.-S. Avez-vous, depuis, croisé Domenech ?
N. A. 
Non. Mais j’aimerais qu’il avoue à la France et au monde entier que ce ne sont pas mes mots. J’aimerais qu’il ait l’honnêteté de le dire et le répète à sa maman (elle avait déclaré sur RTL : « Je voudrais rencontrer M. Anelka, et lui donner le point de vue d’une maman, s’il en a une lui ! »).

F.-S. Parmi le flot de réactions à votre insulte, laquelle vous a le plus surpris ?
N. A.
Je n’ai pas été surpris de la réaction d’une minorité de Français. J’ai lu et entendu des propos racistes sur nous, les joueurs de l’équipe de France, et je vais répondre au nom de tous les immigrés (que je ne suis pas !), noirs et musulmans, puisque, à entendre cette minorité, on a tous les défauts. La France est un pays mixte et quoi qu’il puisse se passer il faut l’accepter. On n’est pas français et fier de l’être seulement quand Boli marque en finale de la Ligue des champions, quand Zidane plante deux coups de tête contre le Brésil, quand Noah s’impose à Roland-Garros ou Riner en judo. Quand ça se passe mal, alors, on redevient des immigrés noirs (même quand on ne l’est pas !) ou arabe, racaille, caïd banlieusard et musulman ! Quand on regarde Lemaitre gagner en athlétisme, on ne cherche pas à savoir d’où il vient, ni sa religion. On accepte sa valeur et on se dit qu’il est français, c’est tout.

 

 

Interview de Francesoir.fr